Des soupirs de la sainte aux cris de la fée

L’article analyse les bruits féminins qui figurent au dernier vers du sonnet « El Desdichado », les « soupirs de la sainte » et les « cris de la fée ». À partir d’une étude de l’intertextualité et des sources du poème, il propose d’identifier ces formes d’expression inarticulées à des bruits de souffrance. Les enjeux politiques de tels bruits sont abordés au moyen de références au travail de Nicole Loraux dans Les Mères en deuil. L’historienne montre que dans la Grèce antique la législation réglementait de manière précise l’expression de la souffrance féminine, et que cette réglementation visait à imposer à la fois la distinction et l’inégalité entre les genres. L’article a pour but de montrer qu’une telle aliénationdes femmes par leur assignation à un certain type de bruit est remise en cause dans « El Desdichado » dans la mesure où Nerval instaure un réseau de correspondances entre les genres qui les rend réversibles. Cette réversibilité trouve son prolongement dans l’intérêt de l’auteur pour l’androgynie, qu’il manifeste tout particulièrement dans la nouvelle Pandora. L’article envisage l’actrice héroïne de ce texte comme une incarnation du principe poétique d’alternance des genres construit par Nerval autour des soupirs de la sainte et des cris de la fée. Un tel regard sur « El Desdichado » et Pandora conduit à considérer ces deux textes comme étant investis d’un potentiel d’émancipation politique pour quiconque saurait y discerner la déstabilisation des genres qui y opère.